"Démocratie et citoyenneté européennes: quel avenir pour les peuples de l’Europe?" [Iphigenia Kamtsidou, Professeur Assοciee de Droit Constitutionnel, Departement de Droit -Universite Aristote de Thessalonique]
Εισήγηση στο συνέδριο «20Jahre nach den Verträgen von Maastricht. Die Europäische Union in der krise?» που διοργάνωσε το Ίδρυμα Rosa Luxembourg, στις10 και 11 Οκτωβρίου 2013 στο Potsdam.
Conséquemment,
se pose la question de savoir si ces métamorphoses peuvent être attribuées au
fait que l’Union Européenne est privée de Constitution, qu’elle fonctionne
pendant un demi-siècle sans qu’une loi fondamentale organise l’exercice du
pouvoir et le contrôle des bureaucraties qui assurent la gérance de cet
organisme particulier. En d’autres termes, la crise souveraine met en lumière
les défauts de construction qui sont au fondement de l’Union et elle appelle à
réfléchir sur la nécessité d’approfondir l’union politique et de lui donner une
dynamique démocratique par l’adoption, comme le suggèrent J. Habermas et E.
Balibar, d’une Constitution adéquate18. La réponse
présuppose une évaluation de l’édifice institutionnel européen, afin de déceler
les conditions d’une telle entreprise et d’assurer sa crédibilité. Car donner
une Constitution à l’Europe ne signifie nullement « constituer » un ensemble
politique inexistant, issu de cette constitution même : le manque de
Constitution formelle ne prive pas l’UE d’une Constitution matérielle19,
composée par les Traités, la CEDH ,
ainsi que par les traditions constitutionnelles communes des États membres. Cet
ensemble de normes, ce « bloc de constitutionnalité » encadre depuis des
décennies le fonctionnement de l’Union20 et détermine la
procédure à suivre pour sa refondation politique, aussi bien que les limites du
projet relatif.
Le lien
primordial entre le marché et l’Union conduit à ce que la réalisation de divers
objectifs à valeur constitutionnelle, qui sont contenus dans la Constitution actuelle
de l’Europe et semblent façonner son visage social et/ou égalitaire, soit
fortement conditionnée par les règles économiques, issues de la globalisation
des marchés. En d’autres termes, les transformations du droit européen
pendant la crise et son imprégnation par les normes économiques ont une assise
constitutionnelle30. Fondée
comme communauté autonome, dont le fonctionnement est destiné à garantir sur
son territoire le libre échange dans sa forme la plus authentique, l’Union est juridiquement
prédestinée à réguler et non pas réglementer son propre marché, visant à
lui assurer la compétitivité et la dynamique requises suivant les normes qui
priment dans le cadre des marchés globalisés.
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3 M .
Rouyer, « La démocratie n'est plus ce qu'elle n'était pas. Réflexion sur la
démocratie à l'aune de l'Europe », Parlement[s], 2004, p. 91 ss.
4 G .
Hermet, « Est−il toujours temps de penser à la démocratie ? » Pôle Sud, 2004,
p. 81 s.
21 L .Papadopoulou,
Constitution Nationale et Droit européen. La question de la primauté, Athènes,
Ed. Sakkoulas, 2009 (en
grec).
Introduction
I.
Crise économique ou crise de l’Europe ?
a) La
lutte contre la crise économique par l’abandon du droit et de la politique.
b) La
déconstitutionnalisation du pouvoir : anéantissement des institutions des pays
endettés et recul du droit primaire européen.
II.
Quelles virtualités pour la démocratie en Europe
face à la crise ?
a) La Constitution
matérielle de l’U.E. et sa signification politique.
b)
Initier un projet démocratique pour l’Europe.
Introduction
Vingt
ans après l’entrée en vigueur du Traité de Maastricht, par lequel les États
membres de l’U.E ont exprimé leur attachement à la démocratie et à l’État de
droit, ainsi que leur résolution d’établir une citoyenneté commune aux
ressortissants de leurs pays, la démocratie européenne ressemble toujours à un
petit enfant2 ; fortement aimée par les peuples, mais
sous tutelle. De plus, les problèmes relatifs au déficit budgétaire et à la
dette souveraine des pays du Sud ont révélé l’incapacité de l’Union Européenne
à organiser l’exercice de ses attributions conformément aux principes qui lui
servent de fondement. Considéré comme une dérive par rapport à l’orthodoxie
monétaire et économique de l’U.E, l’endettement des PIGS a déclenché des
politiques qui dépassent largement le cadre juridique européen et ébranlent le
fragile équilibre entre les organes de l’Union. Ces mêmes politiques
influencent l’exercice du pouvoir dans les États membres endettés et
hypothèquent le devenir démocratique de leurs institutions. En deux mots : la
crise économique semble démontrer que la théorie normative, suivant laquelle
l’U.E. en tant que communauté de droit pourrait se déployer en régime
démocratique3, est dénuée d’occasion, sinon de raison,
et que la dégénérescence de la démocratie au niveau national est irréversible.
Faut-il,
donc, dresser l’acte de décès de la démocratie dans l’Union, annoncé lors du
processus de l’adoption de la « Constitution de l’Europe » ?4 Répondre
par l’affirmative, c’est également condamner l’Europe à rester une zone de
libre échange, dont la première qualité, dans l’économie quasiment globalisée,
sera d’être le moins disant aux enchères de sa propre civilisation politique et
constitutionnelle.
I.
Crise économique ou crise de l’Europe ?
a) La
lutte contre la crise économique par l’abandon du droit et de la politique.
Le cas
de la Grèce ,
dont le rétablissement économique est soumis aux conditions prévues par les
Memorandums of Understanding (MoUs)5 et confié à la
surveillance de la Troïka ,
illustre bien les transformations intervenues dans l’édifice européen, ainsi
que dans les régimes représentatifs des États membres. Tout d’abord, l’arsenal
institutionnel européen qui a encadré la crise souveraine grecque a été conçu
et mis en place en dehors des prévisions des Traités ; le fait que la Cour de Justice de l’Union6 a su
interpréter de façon créative le droit primaire, peine à dissiper les doutes
sérieux émis sur la licéité des choix des dirigeants de l’U.E. en la matière. Des
doutes qui persistent, étant donné que prolifèrent des réglementations qui dérogent
aux principes cardinaux de l’ordre juridique européen : pour éviter
l’effondrement financier du pays et son exclusion de la zone euro, les
gouvernements successifs ont fait adopter des règles qui bouleversent le droit
social et privent les travailleurs de leurs droits, qui anéantissent des
principes tels l’égalité fiscale, la légalité de l’impôt et la
proportionnalité, qui détériorent les conditions de jouissance même des droits
relatifs à l’intervention de la
Justice 7, bref, qui « exilent » les Grecs
du droit européen et les privent des garanties offertes à chaque ressortissant
d’un État membre, à chaque citoyen européen.
Comme
la clause de non-renflouement (non bail out clause)8,
censée être un des piliers du fonctionnement de l’Union, exclut toute
intervention des organes européens ou des Etats pour répondre à l’insolvabilité
d’un pays membre de la zone euro, le Conseil et la Commission ont consenti
à la création d’un mécanisme ad hoc, auquel a été déléguée la gestion du
programme de sauvetage de la
Grèce. Il s’agissait d’un « consortium » qui comprenait les
autres États membres de la zone euro, la
BCE et le FMI et qui a procédé, en mai 2010, à la signature
des accords de prêt et des MoUs avec l'État grec et la Banque de Grèce. Dans le cadre
de cet agencement, l’aide à la
Grèce est réglée par des accords bilatéraux et selon le
principe de strictes conditionnalités (strict conditionalities) prévu aux
Mémorandums.
Le
caractère provisoire de la solution susmentionnée a obligé l’U.E à créer une
structure permanente qui comprenait le Mécanisme européen de stabilité
financière (MESF)9, institué pour l’ensemble des États
membres de l’Union et, parallèlement, le Fonds européen de stabilité financière
(FESF), qui pouvait accorder un prêt aux Etats membres de la zone euro à
condition que celui-ci soit accompagné d’un Mémorandum, formulé par décision du
Conseil10. Enfin, par la procédure de révision simplifiée de
l’art. 48 par. 6 TUE, un dernier paragraphe a été ajouté à l’art. 136 TFUE, qui
a permis la conclusion du traité établissant le Mécanisme européen de stabilité
(MES).
Le
Mécanisme est une organisation intergouvernementale de droit
international public, fondée par les États membres de la zone euro, siègeant à
Luxembourg et destinée à mobiliser des ressources financières et à fournir,
selon le principe de stricte conditionnalité, de l’aide à ceux de ses
membres qui connaissent de sérieux problèmes de financement11. La
gestion des circonstances exceptionnelles a donc été transférée à des
structures fonctionnant en dehors du cadre normatif de l’Union, mais
administrées par les États membres. Preuve de pragmatisme politique, cette
solution permet aux élites qui ont cure du pouvoir au niveau européen de
disposer des mesures jugées nécessaires, dispensées pratiquement de tout
contrôle démocratique. C’est aussi initier la course à un réductionnisme
juridique qui risque d’annihiler tous les acquis du constitutionalisme moderne
et de la conception européenne de l’État de droit. Car, par le biais des onditionnalités,
les critères des marchés consolident leur contribution à la formation du
droit sur le Vieux Continent.
Succinctement
: les conditionnalités des programmes de prêts établis par les mécanismes
susmentionnés contiennent un certain nombre d'indicateurs chiffrés, identiques
à ceux dont les agences de notation financière se servent pour évaluer la
qualité des institutions et des systèmes juridiques des États. De la sorte, le
droit européen tout en devenant « mou », flexible se façonne conformément aux
préceptes d’une politique ultralibérale et il impose aux États emprunteurs de
prendre des mesures et d’adopter des règles qui satisfont à l’orthodoxie
économique. En Grèce, la réduction des déficits publics par la diminution
du nombre des fonctionnaires et des dépenses des services publics, la modération
salariale et la pression fiscale insoutenables, la privatisation des moyens
d'agir de l’État par la création d'agences comme la TAIPED , une société anonyme
à laquelle a été transférée toute la fortune de l’État et qui doit vendre les
biens publics dans les termes et les conditions du droit privé, sont des
mesures qui répondent aux conditionnalités fixées dans les MoUs. Le législateur
national n’avait qu’à faire respecter ces objectifs pour assurer le versement
des prêts et la survie du pays.
b) La
déconstitutionnalisation du pouvoir : anéantissement des institutions des pays
endettés et recul du droit primaire européen.
Ceci
étant, les relations entre la
Grèce et l’Union ont été redéfinies ; la Commission a représenté
les États membres de la zone euro aux négociations pour la contraction des
accords de prêt et des MoUs et elle a fixé, de concert avec les autres
créanciers, le contenu de ces derniers, en infligeant de sérieuses amputations
aux pouvoirs des organes constitutionnels de la République hellénique :
en vertu de leurs prévisions, des programmes de «restructuration» de l’économie
hellénique ont été successivement mis en place, dont la réalisation a
prédestiné toute décision gouvernementale et parlementaire. Depuis mai
2010, les gouvernements grecs poursuivent des politiques qui visent à faire
respecter les engagements du pays vis-à-vis de ses créditeurs sans avoir la
moindre possibilité d’effectuer des choix, ne fût-ce que pour protéger les
acquis élémentaires de l’État social de droit. Les décisions concernant
l’administration publique, la justice et les impôts, la santé, le travail et la
sécurité sociale, l’éducation et la protection de l’environnement ne sont
plus déterminées par l’antagonisme des projets politiques. Ils sont le
fruit des programmes planifiés par les sages de l’économie, tels qu’ils ont été
ordonnés par les conditionnalités des MoUS.
Par
ailleurs, le processus législatif s’est profondément transformé, dans le
sens de la marginalisation complète de l’Assemblée Nationale. D’abord, la
majorité des normes adoptées est d’origine gouvernementale, vu que le recours à
la procédure extraordinaire d’édiction des lois-décrets s’est banalisé. Le
gouvernement, seul législateur rapide et efficace, entérine les mesures
administrées par les technocrates et pose l’expertise financière en principe
régulateur de l’action législative. Secundo, la procédure législative
ordinaire est totalement déformée. Le Parlement vote les lois sous l’épée de
Damoclès suspendue au-dessus de sa tête par les créanciers du pays : les
majorités qui soutiennent les gouvernements n’ont pas la moindre faculté de
contester les règles dictées par les MoUs et intégrées dans les projets de loi gouvernementaux12.
Enfin, le respect des prévisions et la satisfaction des objectifs fixés par les
Mémorandums sont régulièrement contrôlés par les représentants de la Troïka , qui supervisent en
détail l’action des organes nationaux. Un processus de « dé-démocratisation »
intense est à l’oeuvre dans les institutions publiques helléniques13,
tandis que la société, dont les membres se voient priver de leurs droits
fondamentaux, se démantèle à un rythme accéléré.
Enfin,
le juge, appelé à contrôler les lois dites d’application des MoUs, qui
apportent de considérables limitations aux droits et aux libertés constitutionnelles14, se
trouve confronté à l’invocation par le gouvernement d’un intérêt public «
suprême », consistant à éviter l’effondrement financier du pays et son
exclusion de la zone euro. C’est pourquoi, les tribunaux hésitent à procéder au
contrôle de constitutionnalité et de conventionnalité des règles adoptées pour
mettre en oeuvre les conditionnalités imposées par les Mémorandums, vu qu’elles
sont présentées comme le seul moyen de parvenir au salut de la patrie. 15 La
riche tradition du contrôle de constitutionnalité des lois16 s’estompe
et les garanties de l’État de droit sont mises entre parenthèses.
De la
sorte, Bruxelles n’est plus le lieu où la Grèce exerce, en commun avec ses partenaires, des
compétences qui relèvent de la souveraineté, c’est le siège des créanciers,
auxquels le pays doit rendre de l’argent, aussi bien que des comptes. Les attributions
que les Traités reconnaissent aux organes de la République sont en fait
exercées par des agences internationales, avec le consentement et la participation
de l’U.E. Durant la même période, le fonctionnement des organes de l’Union est
d’une certaine façon gelé. Les décisions les plus importantes en ce qui
concerne la crise souveraine, ont été prises par un « Directoire » formé par A.
Merkel et N. Sarkozy en collaboration avec la BCE. Le changement de
président en France
et le récent succès électoral de la Chancelière ont modifié l’équilibre et la
politique de l’UE semble se décider en fonction des priorités allemandes. Le
droit constitutionnel national et le droit européen se retirent, évolution qui
justifie la constatation que l’Europe rentre dans une sphère de « non-droit »,
sa gouvernance se conformant aux modèles inventés par les marchés globalisés17 plutôt
qu’aux normes qui ont été façonnées dans la tradition constitutionnelle
démocratique de ses membres.
II.
Quelles virtualités pour la démocratie en Europe
face à la crise ?
a) La Constitution
matérielle de l’U.E. et sa signification politique.
En
effet, le tumultueux dialogue concernant les relations que les règles
européennes entretiennent avec les Constitutions nationales et la primauté ou
la préséance d’application des premières21, a
quelque peu obscurci la nature constitutionnelle de plusieurs dispositions des
Traités : même si l’Union ne dispose pas de la compétence ultime de décision,
si ses règles fondamentales ne lui procurent pas la « Kompetenz-Kompetenz »,
les Traités lui reconnaissent la compétence exclusive dans des
domaines où l’exercice des attributions constitue l’expression de la
souveraineté, tel le secteur monétaire. En outre, les Traités assurent un
partage des droits de la souveraineté entre les États et l’Union et
garantissent des libertés et des droits aux citoyens européens. Les règles
relatives revendiquent, donc, la qualité des normes constitutionnelles et, à ce
titre, elles participent au « bloc de constitutionnalité », qui régit le
fonctionnement de l’objet juridique difficilement identifiable qu’est l’U.E.
Grace à la valeur constitutionnelle des Traités, le déficit démocratique est
entretenu au sein des institutions européennes et le développement des
politiques qui promeuvent la déconstruction de la démocratie représentative au
niveau national a été facilité.
Les
Traités, tout en remplissant la fonction constitutionnelle susmentionnée, ne
visent pas, au moins ne visent pas principalement, à la délimitation du pouvoir
politique de l’U.E. et à son assise sur la volonté des sujets qui lui sont
soumis. A la différence des constitutions nationales des pays membres, ils ont
été l’oeuvre des élites politiques européennes et ils ont incorporé leurs
objectifs politiques, en les transmuant en des normes fondamentales. Les «
constituants » européens ne se sont pas alliés pour renverser des régimes
autoritaires qui avaient fait baigner le Vieux Continent dans le sang, ni pour
instituer des mécanismes garantissant la représentation démocratique des
peuples de l’Europe ; ils ont exprimé et ordonné le choix des États de
s’assembler dans le but de coopérer dans des champs limités. Dans ce
contexte, les Traités ont instauré des institutions aptes à servir la fondation
et la consolidation des Communautés, à savoir d’une zone de libre échange, d’un
espace au sein duquel la libre circulation des personnes, des capitaux et des
marchandises saurait sauvegarder la paix et élever la coopération des acteurs
de cette initiative, c’est-à-dire des États. La noble tâche de
réconciliation des peuples européens et du dépassement des nationalismes
destructeurs a été intimement liée au fonctionnement régulier du libre marché
et à ses contraintes22. Conséquemment,
les piliers de la construction européenne ont été le Conseil et la Commission qui se
partageaient le pouvoir normatif et exécutif, sans que la séparation des
pouvoirs, qui fait l’essence de toute institution politique, n’affecte leurs
compétences. La définition des biens communs européens et leur
administration par l’adoption des normes et par la mise en oeuvre des
politiques sont déléguées à des organes qui servent soit les intérêts étatiques,
soit les buts propres à une union prioritairement économique. Conjointement,
les peuples européens et leurs représentants ont été pratiquement exclus des
procédures tant « constituantes », que législatives ou de contrôle des
gouvernants.
Il est
vrai qu’au cours du processus d’unification européenne, la place des citoyens
et des corps représentatifs dans l’édifice institutionnel de l’Europe s’est
améliorée. Le Traité de Maastricht, en instaurant la citoyenneté européenne, en
reconnaissant l’égalité entre les citoyens et en leur donnant la possibilité de
participer à la prise de décisions,23 a aspiré à
introduire les citoyens dans le circuit de l’exercice du pouvoir. Il a aussi
revalorisé le rôle du Parlement européen et il a associé les Parlements
nationaux au bon fonctionnement de l'Union. Pourtant, ces réformes n’ont pas su
combler le déficit démocratique, ni améliorer la jouissance des droits et des
libertés par tous les citoyens de l’Union sur un pied d’égalité.
Le
projet sur la « Constitution de l’Europe » ayant échoué, le Traité de Lisbonne
s’est voulu « une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse
plus étroite entre les peuples de l'Europe » (art. 1 par. 2 TUE) et
cette résolution, exprimée dans diverses dispositions24,
semble justifier l’approche suivant laquelle une mutation institutionnelle
importante est survenue25 : l’U.E s’est
transformée en Union politique à durée indéterminée et les peuples européens
sont reconnus comme un des moteurs de sa construction, se substituant aux
États dans le processus constituant de l’Europe26. Faire
réviser les Traités et initier le processus d’un passage de l’Europe des
experts et des États à l’Europe des citoyens ouvrirait un large champ de
réflexion, aussi bien que d’action politique. C’est un champ privilégié pour la Gauche européenne, dont
l’attachement aux principes démocratiques et les luttes pour la protection des
droits fondamentaux, la posent en acteur principal de la mise en oeuvre d’un
projet pour la démocratie en Europe.
Pour y
parvenir, il faut identifier les contradictions qui caractérisent la structure
constitutionnelle européenne27 et ont conduit la
gouvernance de l’Union à se soumettre aux préceptes de l’orthodoxie néolibérale
: tout en « greffant » au corps constitutionnel de l’Union des dispositions
destinées à faciliter la participation des citoyens, les maîtres des Traités, à
savoir les États et la classe politique de l’Union, ont pérennisé l’impact de
son principe fondateur sur les normes : l’édifice européen reste toujours basé
sur le marché unique et libre, c’est d’ailleurs pourquoi le TUE impose aux
organes de l’Union d’oeuvrer « pour le développement durable de l'Europe fondé
sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une
économie sociale de marché hautement compétitive »28.
Dans
cette tâche sont fortement impliqués les États membres qui « prennent toute
mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations
découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l'Union… et
facilitent l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstiennent de
toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de
l'Union. »29
b)
Initier un projet démocratique pour l’Europe.
Si,
donc, on cherche la solution aux impasses de l’Europe dans l’adoption d’une
Constitution, celle-ci doit prioritairement asseoir l’autonomie du pouvoir
européen vis-à- vis des agents de l’économie mondiale : la démocratisation
de l’U.E par la voie de la constitutionnalisation présuppose que les nouvelles
institutions garantissent que les politiques européennes ne sont pas dictées
par les règles « naturelles et inaliénables » des marchés, mais déduites d’un
débat public pluraliste, dans et par l’antagonisme des projets politiques
différents ; elle présuppose que les citoyens européens ont la faculté de
déterminer de manière autonome la signification et la direction à donner à
l’exercice du pouvoir politique, sans être obligés de poursuivre les dictats de
la théologie des technocrates du devenir financier global. C’est, donc,
d’une Constitution politique qu’il s’agit, d’un ensemble de normes dont la
primauté dépend moins de sa forme que de son objet, à savoir de sa capacité
normative à instaurer la séparation de la gouvernance économique et du
gouvernement politique de la vie sociale.
En
outre, l’organisation des pouvoirs dans l’U.E. doit être articulée de telle
façon qu’une influence réelle des citoyens sur les décisions politiques soit
garantie. Pour être claire : seule une « révolution » pacifique peut renverser
le dispositif institutionnel européen, qui, réunissant les experts bruxellois
et les élites politiques nationales, garde un degré de centralisation et
d’autonomie par rapport à la volonté politique des peuples, sans équivalent
dans l’histoire de la modernité.
Or,
établir le pouvoir européen dans la volonté et le jugement des citoyens, le
soumettre à leur contrôle apparaît aujourd’hui comme une entreprise peu
probable ; la formation d’un Démos européen, au sein duquel les peuples de
l’U.E pourraient rechercher des intérêts communs, par la reconnaissance
mutuelle de leurs diversités, la confrontation et le partage des identités
respectives a toujours été un pari ouvert. La crise souveraine aggrave les
difficultés, étant donné qu’elle tend à instaurer un clivage entre des États «
dépensiers » et les États « économes », les uns fidèles aux devoirs émanant de
la participation à une communauté de droit, les autres irresponsables et
frivoles. Sa gestion par la
Commission et les chefs d’États ou de gouvernement
approfondit le fossé ; effectivement, la transformation des relations de
partenariat en des rapports entre les créanciers qui imposent leur discipline
et les débiteurs qui doivent se conformer à des commandements, ajoute aux
différences et aux différents historiques une profonde méfiance basée sur les
solides arrangements contemporains.
Reste
encore à noter, que les politiques menées à présent par les leaders européens
privent les peuples endettés et les citoyens qui les composent de leur
autonomie : l’égalité de pouvoir et l’égalité de traitement, qui en sont des
composantes, sont balayées et les chances qu’une communauté politique
démocratique éclose de l’U.E s’amincissent. Les évolutions justifient donc le pessimisme,
qui, néanmoins, est inhérent à la pensée démocratique31. Le
fonctionnement des institutions démocratiques ne satisfaisant jamais aux
aspirations de la communauté politique, l’essence du régime démocratique réside
dans sa capacité à instaurer et entretenir des mécanismes qui accueillent
les tensions entre le pouvoir et les citoyens, entre les institutions et la
société et qui permettent que ces tensions soient réglementées par des
méthodes tenant à l’autogouvernement.
Dans ce
sens, la restructuration de l’exercice du pouvoir dans l’U.E et l’établissement
d’un espace au sein duquel les différentes composantes de l’agir politique
démocratique peuvent s’exprimer politiquement et déterminer les processus
décisionnels, n’est pas impensable. Le tableau est sombre, mais pas noir
et on y retrouve les couleurs des luttes des peuples européens pour l’égalité
et la liberté, pour la protection de la dignité humaine et l’approfondissement
de la solidarité sociale. L’histoire politique européenne, ainsi que les
traditions constitutionnelles communes servent de point de départ utile : Sans
soutenir que la démocratie européenne doit être une simple copie de la
démocratie représentative nationale, bien au contraire, on est obligé de
constater que certains acquis du constitutionnalisme national, tels la
séparation des pouvoirs, la responsabilité des gouvernants et leur contrôle par
les représentants du peuple et dans les forums publics sont d’une importance
institutionnelle incessible. Par conséquent, une « codification » des principes
communs des constitutions nationales et, surtout, des garanties de l’Etat de
droit et de l’Etat social qu’elles comportent, peut servir de base à une
initiative de relancer la constitutionnalisation de l’Europe.
Ce
n’est pas par hasard que les propositions les plus intéressantes en la matière
profitent des vieilles règles constitutives des États nations pour soutenir le
projet de démocratisation de l’U.E. A titre indicatif, la formation d’une
représentation parlementaire des populations, dotée de pouvoirs de contrôle, en
particulier sur l’assiette et l’utilisation des impôts, selon la demande des
insurgés américains « No taxation without representation »32,
apparaît comme un pas en avant considérable.
Vraiment,
c’est en affrontant la question de la représentation qu’on peut avancer un
projet sur la démocratisation de l’Europe : longtemps pris dans les termes du
débat fédéralistes / antifédéralistes33, hommes
politiques, juristes et philosophes ont quelque peu méconnu la problématique de
la représentation, pourtant indépassable dans l’effort de penser un régime
européen à vocation démocratique. Le souci de sauvegarder le pluralisme
socioculturel et les identités distinctes des États membres a favorisé l’idée
que l’Union ne pourrait constituer qu’une entité politique inédite dans
l’histoire universelle, s’organisant comme une communauté politique des peuples
formés au niveau national, dont les membres allaient forger le Démos européen. Pourtant,
ni la marche
coordonnée des États membres ni la possession d’une citoyenneté européenne par
leurs ressortissants n’ont conduit au resserrement des liens entre les peuples,
encore moins à la formation d’une conscience politique commune parmi les
populations. L’aporie du Démos européen prédestine le futur des réformes
institutionnelles et, à mon avis, retarde la dynamique démocratique de l’Europe.
Car, le
Démos européen ne peut pas se forger en dehors des institutions qui encadrent
son expression en tant que corps politique, qui sont le lieu où les demandes
de groupes sociaux, de régions, de tendances idéologiques ou de communautés
culturelles « particulières » sont confrontées, afin de révéler les intérêts
généraux capables de légitimer la régulation de la vie sociale et politique en
Europe. L’absence de mécanismes aptes à associer les citoyens à la
recherche de l’intérêt général prive aussi la citoyenneté européenne de sa
substance constitutionnelle et politique34, la
confinant au rôle de lien formel, qui n’assure que la bienveillance du pouvoir
dans des cas limités. Il est donc temps d’ouvrir le débat au Parlement européen
sur les formes d’une nouvelle représentation qui ne se résume pas à la
délégation du pouvoir par le vote, mais comporte également diverses formes
d’agir politique démocratique – formation de l’opinion dans les mouvements
sociaux et dans les medias, accès à des Autorités Administratives
Indépendantes, garanties de la protection juridictionnelle des droits etc. –
tendant à donner aux gouvernés la possibilité de s’identifier à la communauté
politique et à ses institutions sans renoncer à leur propre identité d’individu
et de membre d’une entité nationale35.
Étant
donné que les circonstances actuelles ne laissent pas augurer que la
convocation des « États généraux des peuples de l’Europe » est imminente, la
voie ordinaire de révision des Traités offre un débouché : ouvrir au Parlement
européen la discussion sur les mécanismes qui vont encadrer cette nouvelle
représentation, sa nature et ses limites, c’est créer les conditions
d’institution du sujet politique qui sera le protagoniste de son
accomplissement. D’autant plus que la procédure relative implique les
représentants des parlements nationaux, les chefs d'État ou de gouvernement des
États membres, le Parlement européen et la Commission ,
c'est-à-dire qu’elle s’achemine vers la formation de ce sujet dans les
tensions et les contradictions qui traversent actuellement l’U.E.
Le
Démos européen va se constituer par un débat entre les peuples humiliés par les
politiques sur la dette souveraine et ceux qui sont las de porter le fardeau
économique de la crise, entre les citoyens qui optent pour la punition comme
méthode principale d’assurer la cohésion de l’Union et ceux qui recherchent la
dynamique de l’U.E dans la réalisation de certains objectifs contenus dans sa
constitution matérielle, telles la solidarité et l’égalité devant les Traités36.
Entamer ce processus, c’est donner aux citoyens de
l’Union la possibilité d’examiner les différents projets relatifs à la
structure de l’Europe et de redéfinir ses valeurs : prenant la mesure des
graves problèmes qui minent l’édifice européen, les corps qui vont se charger
de la refondation de l’U.E. auront l’occasion de la transformer en un atelier
énorme où s’expérimentera l’ambition démocratique de ses peuples.
1 Intervention
au colloque « 20Jahre nach den Verträgen von Maastricht. Die Europäische Union
in der krise ? » organisé par la Fondation Rosa Luxembourg, le jeudi 10 et le
vendredi 11 Octobre 2013, à Potsdam .
Texte de travail.
2 Ol.
Duhamel, « Reconstruire la politique, construire une démocratie européenne », La
pensée de midi, 2002/1, p. 64
5 Les Memorandums of Understanding sont des
accords conclus entre l’État débiteur, en l’occurrence la Grèce , et ses créanciers,
qui fixent les objectifs financiers et structurels à la satisfaction desquels
doit oeuvrer le gouvernement emprunteur. Ils contiennent un programme de
politique générale bien défini, qui est réalisé au moyen de lois nationales,
dites les lois d'application des mémorandums (voir infra). La nature juridique
des MoUs reste disputée : Le Conseil d’État grec, saisi sur la
constitutionnalité de plusieurs réglementations contenues dans le premier MoU
(qui en fait est constitué par 3 MoUs) et les lois de son application a adopté
la thèse, que les mémorandums ne sont ni des traités, ni des conventions
internationales ni des lois. La Haute Juridiction administrative a constaté que
les MoUs sont privés des caractéristiques propres aux formes juridiques qui
réglementent les relations relevant du droit international public. En d’autres
termes, elle a reconnu que les MoUs sont du droit flexible, du soft law et,
conséquemment, elle a légitimé la décision du gouvernement de ne pas soumettre
les mémorandums au Parlement suivant les règles constitutionnelles qui
conditionnent la ratification des traités. Des opinions dissidentes ont
considéré que les mémorandums, contractés par des sujets de droit
international, imposent des obligations aux parties, constituant alors des
conventions, qui devaient être ratifiées par l’Assemblée, v. Th. Antoniou, « La
décision du Conseil d’État sur le mémorandum. Une affaire européenne, dénuée
d’approche européenne », La
Constitution (revue juridique grecque) 2012/1,
p.197 ss (p.202 ss) (en grec), cf. P. Pavlopoulos, « Réflexions sur la nature
et les conséquences juridiques du Mémorandum », www.constitutionalism.gr (en
grec), A.Bredimas, « L’accord de prêt entre la Grèce et le FMI : Questions institutionnelles et
juridiques », www.constitutionalism.gr, (en grec).
6 Par son
Arrêt dans l’affaire C-370/2012, Pringle /Gouvernement d’Irlande, la Cour a conclu que le droit
européen ne s’oppose pas à la conclusion du Traité instaurant le Mécanisme
européen de stabilité (MES). De la sorte, elle a aussi « validé » le mécanisme
qui a assuré l’aide à la Grèce ,
dans des conditions similaires.
7 La loi
4055/2012, dénommée « Procès équitable » et longue de 112 articles, a apporté
de sérieuses réformes à tous les Codes de procédure, dont certaines, comme
celles concernant les timbres judiciaires, ont un caractère purement financier.
Après 7 mois, la loi 4093/2012, dit le 3e MoU, a encore modifié le Code de
Procédure Administrative, pour raccourcir le délai dans lequel les recours
fiscaux sont ouverts et elle a réformé le Code Fiscal et le Code des Avocats
afin de satisfaire des motifs principalement économiques, cf. K. Chryssogonos,
La fraude à la Constitution
en temps des Mémorandums, Athènes, éd. Livani, 2013 (en grec), p. 174 ss.
8 Selon
cette clause, chaque État membre de l’U.E négocie avec ses créanciers les
conditions de son emprunt, ni l’Union ni les autres États ne se portant garants
de sa dette souveraine.
9 Règlement du Conseil n° 407/2010 qui a été adopté
sur la base de l’art. 122, par. 2 TFUE
10 Les
plans de sauvetage de l’Irlande (2010), du Portugal (2011) et de l’Espagne
(2012) ont été décidés et mis en oeuvre suivant les procédures et les règles de
ce mécanisme.
11 V. Y. Drossos, «
Questions d’organisation constitutionnelle, de protection judiciaire et de
démocratie en temps de crise », www.constitutionalism.gr (en grec), L.
Papadopoulou, « Le déficit (budgétaire) et le déficit (politique) de
l’Europe », www.constitutionalism.gr (en grec)
12 L’exemple
le plus caractéristique de l’impuissance parlementaire est celui du vote de la
loi 4093/2012 dénommée le « 3e MoU », qui a été
adoptée en Novembre 2012 par la procédure d’urgence (art. 76 Const.). Présentée
aux députés la veille de sa discussion dans l’hémicycle, cette loi contient un
article long de plusieurs dizaines de pages, afin que les députés – surtout
ceux de la majorité – ne puissent proposer aucun amendement, pour que le
gouvernement engage pratiquement sa responsabilité sur un texte qui transforme
la réglementation de plusieurs domaines de la vie sociale et publique. L’Assemblée
a été mise dans l'incapacité de discuter ces mesures et d’influencer leur
contenu. La déclaration publique du ministre de la Justice , qui a tardé à
signer le projet de loi, en suscitant l’espoir que son intervention conduirait
à une amélioration du projet est significative : « je ne pouvais pas refuser de
signer le projet de loi, puisque cela aurait provoqué la chute du gouvernement
et que la Troïka
n'aurait accepté aucun amendement. »
13 Cf A.
Kaidatzis, « ‘Haute politique’ et faible contrôle juridictionnel. Questions
constitutionnelles et questions de constitutionnalité a propos du ‘Mémorandum’
», www.constitutionalism.gr (en grec).
14 La
législation des trois dernières années ne touche pas uniquement les droits
sociaux, mais aussi les libertés publiques classiques ou des droits dont la
jouissance n’influence pas directement les finances publiques, tel le procès
équitable ou l’environnement, v. supra, note 7 et I. Kamtsidou, « L’intérêt
public en temps de crise », Recherches Internationales, no 96, 2013, K.
Yannakopoulos, Un Etat devant la faillite : entre droit et non-droit,
www.constitutionalism.gr (en français).
15 Ils
hésitent encore à adresser des questions préjudicielles à la Cour de Justice pour vérifier
la compatibilité de la législation contestée avec le droit européen. D’ailleurs,
la Cour de
justice de l’Union, comme la CEDH ,
font preuve d’une auto-limitation remarquable, laissant peu d’espoir à l’idée
qu’elles sauront protéger les droits et les principes généraux reconnus de
longue date par leur jurisprudence.
16 V. A.
Manitakis, « Fondement et légalité du contrôle juridictionnel des lois en Grèce
», R.I.D.C.,1988/1, p. 39 ss.
17 Cf.
C. Yannakopoulos, art. cit .
18 Jürgen
Habermas, La
Constitution de l’Europe, Paris, Gallimard, 2012,
E. Balibar, Europe crise et fin ? Paris, Le Bord de l’eau eds, 2013.
19 O.
Jouanjan, « Ce que ‘donner une constitution à l'Europe’ veut dire », Cités,
2003/1, p. 21 ss, E. Balibar, « Sur la ‘ Constitution’ de l’Europe. Crise et
virtualités », Passant Ordinaire, no 49.
20À titre
indicatif, J.H.H.Weiler, The Constitution of Europe
“Do the New Clothes Have an Emperor?”, Cambridge U.P., 1999, passim, G.
Papadimitriou, La constitutionnalisation de l’Union Européenne, Athènes, éd. Papazissi,
2002 (en grec), p. 31 ss, A. Manitakis, La « Constitution » de l’Europe face
à la souveraineté nationale et populaire, Athènes, éd. Papazissi, 2004, p.
86 ss (en grec). D’ailleurs, ce n’est pas par hasard que la CJCE (249/83 Parti Ecologiste
‘Les Verts’ c. Parlement Européen) avait reconnu la valeur constitutionnelle
des Traités bien avant que la discussion sur la constitutionnalisation et la Constitution de
l’Europe commence.
22 V. P.
Magnette, Le régime politique de l’Union Européenne, Paris, Presses de Science
Po, 2003, p. 26 ss. J. Le Cacheux, « Les logiques économiques de l’intégration
européenne », in Ch. Lesquesne- Yv. Surel, L’ l’intégration européenne.
Entre émergence institutionnelle et recomposistion de l’État, Paris,
Presses Sciences Po, 2004 p. 23 ss (41 ss), cf. J.L. Quermonne, « La «
Fédération d'États Nations » : concept ou contradiction ? », Revue française
de droit constitutionnel, 2010/4, p. 677 ss.
23 V. art.
11 al. 4 du Traité disposant que « Des citoyens de l'Union, au nombre d'un
million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres,
peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses
attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour
lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est
nécessaire aux fins de l'application des traités. ».
24 Ainsi
l’art. 2 du Traité disposant que « L'Union est fondée sur les valeurs de
respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État
de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des
personnes appartenant à des minorités », l’ art. 9 qui sert de fondement à la
citoyenneté européenne et garantit l’égalité des citoyens, l’art. 10 qui
prévoit que le fonctionnement de l'Union est fondé sur la démocratie
représentative, etc.
25 v. N.
Kanellopoulou-Malouhou, Le Traité de Lisbonne. L’approfondissement d’un lien
constitutionnel (en grec) www.constitutionalism.gr.
26 J.
Habermas, « L’Europe paralysée d’effroi – La crise de l’Union européenne à la
lumière d’une constitutionnalisation du droit international public », Cités,
2012/1, p. 131 ss.
27 Étant
donné que les traditions constitutionnelles communes ont la même valeur
juridique que les Traités et qu’elles protègent l’autonomie politique et
personnelle des citoyens européens, la Constitution matérielle de l’Europe doit être
envisagée à travers les tensions qui la traversent : d’une part la démocratie
et l’État de droit sont reconnus comme seules formes légitimes de pouvoir ne
serait−ce qu’au niveau national, d’autre part les objectifs de la libre
concurrence et de la réalisation du marché unique déterminent l’organisation
des institutions européennes. Le droit constitutionnel de l’UE est donc
construit autour de cette contradiction profonde, qui explique que la majorité
des citoyens européens aspirant à la démocratisation de la structure européenne
n’expriment pas de voeux pieux et qu’il y a toujours des chances d’entamer le
processus de la démocratisation de l’Europe, p.ex. J. M. Ferry, « Du politique
au-delà des nations », Politique européenne, 2006/2, p. 5 ss.
28 Art.
3al.3
29 Art.
4 par. 3b et c
30 Pour
rester au champ de l’exercice du pouvoir législatif, le fait que, conformément
aux Traités, les règles européennes sont produites par un système
bureaucratique, privé de toute référence démocratique, conduit à l’implication
de divers facteurs socioéconomiques dans le processus législative. J.M Ferry, La Question de
l’État européen, Paris, Gallimard, 2000, p. 60ss., a clairement montré, que
pour faire intégrer le droit européen dans les sociétés des États membres, pour
faire valoir ex ante les règles du jeu communautaire, les organes européens
(essentiellement la
Commission ) ont associé à leur tache législative « les forces
vives » des pays et du Continent. Il s’agit des représentations de différentes
activités (professionnelles, syndicales, entrepreneuriales, associatives etc),
dont la proximité aux décisions s’est transformée en condition de légitimité et
d’effectivité des actes normatives européennes : reconnues par ces acteurs dans
l’espace semi-privé de la phase préparatoire, les règles européennes peuvent
être suivies après leur adoption. C’est la même logique qui soutient la
production normative pendant la crise, les agences financières ayant supplanté
dans une large mesure les lobbies qui s’affairent d’habitude à Bruxelles.
31 V. N.
Urbinati, « Démocratie dépolitisée », Critique, 2008/4, p. 275 s.
32 J.
Habermas, art .cit
33 V. D.
Tsatsos, La Sympolitie
européenne des États-Nations, Athènes, Livani, 2007 a mis en avant le
besoin de dépasser cette dichotomie, en proposant des réaménagements
politicoinstitutionnels bien intéressants, tels l’instauration des partis
européens (p 401 ss) et la consécration juridique des valeurs communes (p.488).
Pour une approche générale du fédéralisme et du débat relatif en Europe v. M.
Croisat, Le fédéralisme en Europe, Paris ,
Montchrestien, 2010.
34 V. A.
Le Pors, La citoyenneté, Paris PuF (Que sais-je), 2011, p. 11 ss.
35 Cf. Ch. Mouffe, «
Penser la démocratie moderne avec, et contre, Carl Schmitt. » Revue française de science politique, 1992/1 p. 83
36 L’ampleur
de l’entreprise révisionnelle au niveau européen et l’importance des reformes à
pourvoir permettent d’assimiler la délibération relative à une délibération
constituante (v. D. Rousseau, « La construction constitutionnelle de l'identité
des sociétés plurielles », Confluences Méditerranée, 2010/2, p. 31 ss.)
et d’en escompter une fonction analogue.
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