"Démocratie et citoyenneté européennes: quel avenir pour les peuples de l’Europe?" [Iphigenia Kamtsidou, Professeur Assοciee de Droit Constitutionnel, Departement de Droit -Universite Aristote de Thessalonique]

Εισήγηση στο συνέδριο «20Jahre nach den Verträgen von Maastricht. Die Europäische Union in der krise?» που διοργάνωσε το Ίδρυμα Rosa Luxembourg, στις10 και 11 Οκτωβρίου 2013 στο Potsdam.


Introduction

I. Crise économique ou crise de l’Europe ?

 
a) La lutte contre la crise économique par l’abandon du droit et de la politique.

b) La déconstitutionnalisation du pouvoir : anéantissement des institutions des pays endettés et recul du droit primaire européen.

II. Quelles virtualités pour la démocratie en Europe face à la crise ?

a) La Constitution matérielle de l’U.E. et sa signification politique.

b) Initier un projet démocratique pour l’Europe.

 

Introduction

Vingt ans après l’entrée en vigueur du Traité de Maastricht, par lequel les États membres de l’U.E ont exprimé leur attachement à la démocratie et à l’État de droit, ainsi que leur résolution d’établir une citoyenneté commune aux ressortissants de leurs pays, la démocratie européenne ressemble toujours à un petit enfant2 ; fortement aimée par les peuples, mais sous tutelle. De plus, les problèmes relatifs au déficit budgétaire et à la dette souveraine des pays du Sud ont révélé l’incapacité de l’Union Européenne à organiser l’exercice de ses attributions conformément aux principes qui lui servent de fondement. Considéré comme une dérive par rapport à l’orthodoxie monétaire et économique de l’U.E, l’endettement des PIGS a déclenché des politiques qui dépassent largement le cadre juridique européen et ébranlent le fragile équilibre entre les organes de l’Union. Ces mêmes politiques influencent l’exercice du pouvoir dans les États membres endettés et hypothèquent le devenir démocratique de leurs institutions. En deux mots : la crise économique semble démontrer que la théorie normative, suivant laquelle l’U.E. en tant que communauté de droit pourrait se déployer en régime démocratique3, est dénuée d’occasion, sinon de raison, et que la dégénérescence de la démocratie au niveau national est irréversible.

Faut-il, donc, dresser l’acte de décès de la démocratie dans l’Union, annoncé lors du processus de l’adoption de la « Constitution de l’Europe » ?4 Répondre par l’affirmative, c’est également condamner l’Europe à rester une zone de libre échange, dont la première qualité, dans l’économie quasiment globalisée, sera d’être le moins disant aux enchères de sa propre civilisation politique et constitutionnelle.

I. Crise économique ou crise de l’Europe ?

a) La lutte contre la crise économique par l’abandon du droit et de la politique.

 
Le cas de la Grèce, dont le rétablissement économique est soumis aux conditions prévues par les Memorandums of Understanding (MoUs)5 et confié à la surveillance de la Troïka, illustre bien les transformations intervenues dans l’édifice européen, ainsi que dans les régimes représentatifs des États membres. Tout d’abord, l’arsenal institutionnel européen qui a encadré la crise souveraine grecque a été conçu et mis en place en dehors des prévisions des Traités ; le fait que la Cour de Justice de l’Union6 a su interpréter de façon créative le droit primaire, peine à dissiper les doutes sérieux émis sur la licéité des choix des dirigeants de l’U.E. en la matière. Des doutes qui persistent, étant donné que prolifèrent des réglementations qui dérogent aux principes cardinaux de l’ordre juridique européen : pour éviter l’effondrement financier du pays et son exclusion de la zone euro, les gouvernements successifs ont fait adopter des règles qui bouleversent le droit social et privent les travailleurs de leurs droits, qui anéantissent des principes tels l’égalité fiscale, la légalité de l’impôt et la proportionnalité, qui détériorent les conditions de jouissance même des droits relatifs à l’intervention de la Justice7, bref, qui « exilent » les Grecs du droit européen et les privent des garanties offertes à chaque ressortissant d’un État membre, à chaque citoyen européen.

Comme la clause de non-renflouement (non bail out clause)8, censée être un des piliers du fonctionnement de l’Union, exclut toute intervention des organes européens ou des Etats pour répondre à l’insolvabilité d’un pays membre de la zone euro, le Conseil et la Commission ont consenti à la création d’un mécanisme ad hoc, auquel a été déléguée la gestion du programme de sauvetage de la Grèce. Il s’agissait d’un « consortium » qui comprenait les autres États membres de la zone euro, la BCE et le FMI et qui a procédé, en mai 2010, à la signature des accords de prêt et des MoUs avec l'État grec et la Banque de Grèce. Dans le cadre de cet agencement, l’aide à la Grèce est réglée par des accords bilatéraux et selon le principe de strictes conditionnalités (strict conditionalities) prévu aux Mémorandums.

Le caractère provisoire de la solution susmentionnée a obligé l’U.E à créer une structure permanente qui comprenait le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF)9, institué pour l’ensemble des États membres de l’Union et, parallèlement, le Fonds européen de stabilité financière (FESF), qui pouvait accorder un prêt aux Etats membres de la zone euro à condition que celui-ci soit accompagné d’un Mémorandum, formulé par décision du Conseil10. Enfin, par la procédure de révision simplifiée de l’art. 48 par. 6 TUE, un dernier paragraphe a été ajouté à l’art. 136 TFUE, qui a permis la conclusion du traité établissant le Mécanisme européen de stabilité (MES).

Le Mécanisme est une organisation intergouvernementale de droit international public, fondée par les États membres de la zone euro, siègeant à Luxembourg et destinée à mobiliser des ressources financières et à fournir, selon le principe de stricte conditionnalité, de l’aide à ceux de ses membres qui connaissent de sérieux problèmes de financement11. La gestion des circonstances exceptionnelles a donc été transférée à des structures fonctionnant en dehors du cadre normatif de l’Union, mais administrées par les États membres. Preuve de pragmatisme politique, cette solution permet aux élites qui ont cure du pouvoir au niveau européen de disposer des mesures jugées nécessaires, dispensées pratiquement de tout contrôle démocratique. C’est aussi initier la course à un réductionnisme juridique qui risque d’annihiler tous les acquis du constitutionalisme moderne et de la conception européenne de l’État de droit. Car, par le biais des onditionnalités, les critères des marchés consolident leur contribution à la formation du droit sur le Vieux Continent.

Succinctement : les conditionnalités des programmes de prêts établis par les mécanismes susmentionnés contiennent un certain nombre d'indicateurs chiffrés, identiques à ceux dont les agences de notation financière se servent pour évaluer la qualité des institutions et des systèmes juridiques des États. De la sorte, le droit européen tout en devenant « mou », flexible se façonne conformément aux préceptes d’une politique ultralibérale et il impose aux États emprunteurs de prendre des mesures et d’adopter des règles qui satisfont à l’orthodoxie économique. En Grèce, la réduction des déficits publics par la diminution du nombre des fonctionnaires et des dépenses des services publics, la modération salariale et la pression fiscale insoutenables, la privatisation des moyens d'agir de l’État par la création d'agences comme la TAIPED, une société anonyme à laquelle a été transférée toute la fortune de l’État et qui doit vendre les biens publics dans les termes et les conditions du droit privé, sont des mesures qui répondent aux conditionnalités fixées dans les MoUs. Le législateur national n’avait qu’à faire respecter ces objectifs pour assurer le versement des prêts et la survie du pays.

b) La déconstitutionnalisation du pouvoir : anéantissement des institutions des pays endettés et recul du droit primaire européen.

 

Ceci étant, les relations entre la Grèce et l’Union ont été redéfinies ; la Commission a représenté les États membres de la zone euro aux négociations pour la contraction des accords de prêt et des MoUs et elle a fixé, de concert avec les autres créanciers, le contenu de ces derniers, en infligeant de sérieuses amputations aux pouvoirs des organes constitutionnels de la République hellénique : en vertu de leurs prévisions, des programmes de «restructuration» de l’économie hellénique ont été successivement mis en place, dont la réalisation a prédestiné toute décision gouvernementale et parlementaire. Depuis mai 2010, les gouvernements grecs poursuivent des politiques qui visent à faire respecter les engagements du pays vis-à-vis de ses créditeurs sans avoir la moindre possibilité d’effectuer des choix, ne fût-ce que pour protéger les acquis élémentaires de l’État social de droit. Les décisions concernant l’administration publique, la justice et les impôts, la santé, le travail et la sécurité sociale, l’éducation et la protection de l’environnement ne sont plus déterminées par l’antagonisme des projets politiques. Ils sont le fruit des programmes planifiés par les sages de l’économie, tels qu’ils ont été ordonnés par les conditionnalités des MoUS.

Par ailleurs, le processus législatif s’est profondément transformé, dans le sens de la marginalisation complète de l’Assemblée Nationale. D’abord, la majorité des normes adoptées est d’origine gouvernementale, vu que le recours à la procédure extraordinaire d’édiction des lois-décrets s’est banalisé. Le gouvernement, seul législateur rapide et efficace, entérine les mesures administrées par les technocrates et pose l’expertise financière en principe régulateur de l’action législative. Secundo, la procédure législative ordinaire est totalement déformée. Le Parlement vote les lois sous l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête par les créanciers du pays : les majorités qui soutiennent les gouvernements n’ont pas la moindre faculté de contester les règles dictées par les MoUs et intégrées dans les projets de loi gouvernementaux12. Enfin, le respect des prévisions et la satisfaction des objectifs fixés par les Mémorandums sont régulièrement contrôlés par les représentants de la Troïka, qui supervisent en détail l’action des organes nationaux. Un processus de « dé-démocratisation » intense est à l’oeuvre dans les institutions publiques helléniques13, tandis que la société, dont les membres se voient priver de leurs droits fondamentaux, se démantèle à un rythme accéléré.

Enfin, le juge, appelé à contrôler les lois dites d’application des MoUs, qui apportent de considérables limitations aux droits et aux libertés constitutionnelles14, se trouve confronté à l’invocation par le gouvernement d’un intérêt public « suprême », consistant à éviter l’effondrement financier du pays et son exclusion de la zone euro. C’est pourquoi, les tribunaux hésitent à procéder au contrôle de constitutionnalité et de conventionnalité des règles adoptées pour mettre en oeuvre les conditionnalités imposées par les Mémorandums, vu qu’elles sont présentées comme le seul moyen de parvenir au salut de la patrie. 15 La riche tradition du contrôle de constitutionnalité des lois16 s’estompe et les garanties de l’État de droit sont mises entre parenthèses.

De la sorte, Bruxelles n’est plus le lieu où la Grèce exerce, en commun avec ses partenaires, des compétences qui relèvent de la souveraineté, c’est le siège des créanciers, auxquels le pays doit rendre de l’argent, aussi bien que des comptes. Les attributions que les Traités reconnaissent aux organes de la République sont en fait exercées par des agences internationales, avec le consentement et la participation de l’U.E. Durant la même période, le fonctionnement des organes de l’Union est d’une certaine façon gelé. Les décisions les plus importantes en ce qui concerne la crise souveraine, ont été prises par un « Directoire » formé par A. Merkel et N. Sarkozy en collaboration avec la BCE. Le changement de président en France et le récent succès électoral de la Chancelière ont modifié l’équilibre et la politique de l’UE semble se décider en fonction des priorités allemandes. Le droit constitutionnel national et le droit européen se retirent, évolution qui justifie la constatation que l’Europe rentre dans une sphère de « non-droit », sa gouvernance se conformant aux modèles inventés par les marchés globalisés17 plutôt qu’aux normes qui ont été façonnées dans la tradition constitutionnelle démocratique de ses membres.

II. Quelles virtualités pour la démocratie en Europe face à la crise ?

a) La Constitution matérielle de l’U.E. et sa signification politique.

 
Conséquemment, se pose la question de savoir si ces métamorphoses peuvent être attribuées au fait que l’Union Européenne est privée de Constitution, qu’elle fonctionne pendant un demi-siècle sans qu’une loi fondamentale organise l’exercice du pouvoir et le contrôle des bureaucraties qui assurent la gérance de cet organisme particulier. En d’autres termes, la crise souveraine met en lumière les défauts de construction qui sont au fondement de l’Union et elle appelle à réfléchir sur la nécessité d’approfondir l’union politique et de lui donner une dynamique démocratique par l’adoption, comme le suggèrent J. Habermas et E. Balibar, d’une Constitution adéquate18. La réponse présuppose une évaluation de l’édifice institutionnel européen, afin de déceler les conditions d’une telle entreprise et d’assurer sa crédibilité. Car donner une Constitution à l’Europe ne signifie nullement « constituer » un ensemble politique inexistant, issu de cette constitution même : le manque de Constitution formelle ne prive pas l’UE d’une Constitution matérielle19, composée par les Traités, la CEDH, ainsi que par les traditions constitutionnelles communes des États membres. Cet ensemble de normes, ce « bloc de constitutionnalité » encadre depuis des décennies le fonctionnement de l’Union20 et détermine la procédure à suivre pour sa refondation politique, aussi bien que les limites du projet relatif.

En effet, le tumultueux dialogue concernant les relations que les règles européennes entretiennent avec les Constitutions nationales et la primauté ou la préséance d’application des premières21, a quelque peu obscurci la nature constitutionnelle de plusieurs dispositions des Traités : même si l’Union ne dispose pas de la compétence ultime de décision, si ses règles fondamentales ne lui procurent pas la « Kompetenz-Kompetenz », les Traités lui reconnaissent la compétence exclusive dans des domaines où l’exercice des attributions constitue l’expression de la souveraineté, tel le secteur monétaire. En outre, les Traités assurent un partage des droits de la souveraineté entre les États et l’Union et garantissent des libertés et des droits aux citoyens européens. Les règles relatives revendiquent, donc, la qualité des normes constitutionnelles et, à ce titre, elles participent au « bloc de constitutionnalité », qui régit le fonctionnement de l’objet juridique difficilement identifiable qu’est l’U.E. Grace à la valeur constitutionnelle des Traités, le déficit démocratique est entretenu au sein des institutions européennes et le développement des politiques qui promeuvent la déconstruction de la démocratie représentative au niveau national a été facilité.

Les Traités, tout en remplissant la fonction constitutionnelle susmentionnée, ne visent pas, au moins ne visent pas principalement, à la délimitation du pouvoir politique de l’U.E. et à son assise sur la volonté des sujets qui lui sont soumis. A la différence des constitutions nationales des pays membres, ils ont été l’oeuvre des élites politiques européennes et ils ont incorporé leurs objectifs politiques, en les transmuant en des normes fondamentales. Les « constituants » européens ne se sont pas alliés pour renverser des régimes autoritaires qui avaient fait baigner le Vieux Continent dans le sang, ni pour instituer des mécanismes garantissant la représentation démocratique des peuples de l’Europe ; ils ont exprimé et ordonné le choix des États de s’assembler dans le but de coopérer dans des champs limités. Dans ce contexte, les Traités ont instauré des institutions aptes à servir la fondation et la consolidation des Communautés, à savoir d’une zone de libre échange, d’un espace au sein duquel la libre circulation des personnes, des capitaux et des marchandises saurait sauvegarder la paix et élever la coopération des acteurs de cette initiative, c’est-à-dire des États. La noble tâche de réconciliation des peuples européens et du dépassement des nationalismes destructeurs a été intimement liée au fonctionnement régulier du libre marché et à ses contraintes22. Conséquemment, les piliers de la construction européenne ont été le Conseil et la Commission qui se partageaient le pouvoir normatif et exécutif, sans que la séparation des pouvoirs, qui fait l’essence de toute institution politique, n’affecte leurs compétences. La définition des biens communs européens et leur administration par l’adoption des normes et par la mise en oeuvre des politiques sont déléguées à des organes qui servent soit les intérêts étatiques, soit les buts propres à une union prioritairement économique. Conjointement, les peuples européens et leurs représentants ont été pratiquement exclus des procédures tant « constituantes », que législatives ou de contrôle des gouvernants.

Il est vrai qu’au cours du processus d’unification européenne, la place des citoyens et des corps représentatifs dans l’édifice institutionnel de l’Europe s’est améliorée. Le Traité de Maastricht, en instaurant la citoyenneté européenne, en reconnaissant l’égalité entre les citoyens et en leur donnant la possibilité de participer à la prise de décisions,23 a aspiré à introduire les citoyens dans le circuit de l’exercice du pouvoir. Il a aussi revalorisé le rôle du Parlement européen et il a associé les Parlements nationaux au bon fonctionnement de l'Union. Pourtant, ces réformes n’ont pas su combler le déficit démocratique, ni améliorer la jouissance des droits et des libertés par tous les citoyens de l’Union sur un pied d’égalité.

Le projet sur la « Constitution de l’Europe » ayant échoué, le Traité de Lisbonne s’est voulu « une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe » (art. 1 par. 2 TUE) et cette résolution, exprimée dans diverses dispositions24, semble justifier l’approche suivant laquelle une mutation institutionnelle importante est survenue25 : l’U.E s’est transformée en Union politique à durée indéterminée et les peuples européens sont reconnus comme un des moteurs de sa construction, se substituant aux États dans le processus constituant de l’Europe26. Faire réviser les Traités et initier le processus d’un passage de l’Europe des experts et des États à l’Europe des citoyens ouvrirait un large champ de réflexion, aussi bien que d’action politique. C’est un champ privilégié pour la Gauche européenne, dont l’attachement aux principes démocratiques et les luttes pour la protection des droits fondamentaux, la posent en acteur principal de la mise en oeuvre d’un projet pour la démocratie en Europe.

Pour y parvenir, il faut identifier les contradictions qui caractérisent la structure constitutionnelle européenne27 et ont conduit la gouvernance de l’Union à se soumettre aux préceptes de l’orthodoxie néolibérale : tout en « greffant » au corps constitutionnel de l’Union des dispositions destinées à faciliter la participation des citoyens, les maîtres des Traités, à savoir les États et la classe politique de l’Union, ont pérennisé l’impact de son principe fondateur sur les normes : l’édifice européen reste toujours basé sur le marché unique et libre, c’est d’ailleurs pourquoi le TUE impose aux organes de l’Union d’oeuvrer « pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive »28.

Dans cette tâche sont fortement impliqués les États membres qui « prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l'Union… et facilitent l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union. »29

b) Initier un projet démocratique pour l’Europe.

 
Le lien primordial entre le marché et l’Union conduit à ce que la réalisation de divers objectifs à valeur constitutionnelle, qui sont contenus dans la Constitution actuelle de l’Europe et semblent façonner son visage social et/ou égalitaire, soit fortement conditionnée par les règles économiques, issues de la globalisation des marchés. En d’autres termes, les transformations du droit européen pendant la crise et son imprégnation par les normes économiques ont une assise constitutionnelle30. Fondée comme communauté autonome, dont le fonctionnement est destiné à garantir sur son territoire le libre échange dans sa forme la plus authentique, l’Union est juridiquement prédestinée à réguler et non pas réglementer son propre marché, visant à lui assurer la compétitivité et la dynamique requises suivant les normes qui priment dans le cadre des marchés globalisés.

Si, donc, on cherche la solution aux impasses de l’Europe dans l’adoption d’une Constitution, celle-ci doit prioritairement asseoir l’autonomie du pouvoir européen vis-à- vis des agents de l’économie mondiale : la démocratisation de l’U.E par la voie de la constitutionnalisation présuppose que les nouvelles institutions garantissent que les politiques européennes ne sont pas dictées par les règles « naturelles et inaliénables » des marchés, mais déduites d’un débat public pluraliste, dans et par l’antagonisme des projets politiques différents ; elle présuppose que les citoyens européens ont la faculté de déterminer de manière autonome la signification et la direction à donner à l’exercice du pouvoir politique, sans être obligés de poursuivre les dictats de la théologie des technocrates du devenir financier global. C’est, donc, d’une Constitution politique qu’il s’agit, d’un ensemble de normes dont la primauté dépend moins de sa forme que de son objet, à savoir de sa capacité normative à instaurer la séparation de la gouvernance économique et du gouvernement politique de la vie sociale.

En outre, l’organisation des pouvoirs dans l’U.E. doit être articulée de telle façon qu’une influence réelle des citoyens sur les décisions politiques soit garantie. Pour être claire : seule une « révolution » pacifique peut renverser le dispositif institutionnel européen, qui, réunissant les experts bruxellois et les élites politiques nationales, garde un degré de centralisation et d’autonomie par rapport à la volonté politique des peuples, sans équivalent dans l’histoire de la modernité.

Or, établir le pouvoir européen dans la volonté et le jugement des citoyens, le soumettre à leur contrôle apparaît aujourd’hui comme une entreprise peu probable ; la formation d’un Démos européen, au sein duquel les peuples de l’U.E pourraient rechercher des intérêts communs, par la reconnaissance mutuelle de leurs diversités, la confrontation et le partage des identités respectives a toujours été un pari ouvert. La crise souveraine aggrave les difficultés, étant donné qu’elle tend à instaurer un clivage entre des États « dépensiers » et les États « économes », les uns fidèles aux devoirs émanant de la participation à une communauté de droit, les autres irresponsables et frivoles. Sa gestion par la Commission et les chefs d’États ou de gouvernement approfondit le fossé ; effectivement, la transformation des relations de partenariat en des rapports entre les créanciers qui imposent leur discipline et les débiteurs qui doivent se conformer à des commandements, ajoute aux différences et aux différents historiques une profonde méfiance basée sur les solides arrangements contemporains.

Reste encore à noter, que les politiques menées à présent par les leaders européens privent les peuples endettés et les citoyens qui les composent de leur autonomie : l’égalité de pouvoir et l’égalité de traitement, qui en sont des composantes, sont balayées et les chances qu’une communauté politique démocratique éclose de l’U.E s’amincissent. Les évolutions justifient donc le pessimisme, qui, néanmoins, est inhérent à la pensée démocratique31. Le fonctionnement des institutions démocratiques ne satisfaisant jamais aux aspirations de la communauté politique, l’essence du régime démocratique réside dans sa capacité à instaurer et entretenir des mécanismes qui accueillent les tensions entre le pouvoir et les citoyens, entre les institutions et la société et qui permettent que ces tensions soient réglementées par des méthodes tenant à l’autogouvernement.

Dans ce sens, la restructuration de l’exercice du pouvoir dans l’U.E et l’établissement d’un espace au sein duquel les différentes composantes de l’agir politique démocratique peuvent s’exprimer politiquement et déterminer les processus décisionnels, n’est pas impensable. Le tableau est sombre, mais pas noir et on y retrouve les couleurs des luttes des peuples européens pour l’égalité et la liberté, pour la protection de la dignité humaine et l’approfondissement de la solidarité sociale. L’histoire politique européenne, ainsi que les traditions constitutionnelles communes servent de point de départ utile : Sans soutenir que la démocratie européenne doit être une simple copie de la démocratie représentative nationale, bien au contraire, on est obligé de constater que certains acquis du constitutionnalisme national, tels la séparation des pouvoirs, la responsabilité des gouvernants et leur contrôle par les représentants du peuple et dans les forums publics sont d’une importance institutionnelle incessible. Par conséquent, une « codification » des principes communs des constitutions nationales et, surtout, des garanties de l’Etat de droit et de l’Etat social qu’elles comportent, peut servir de base à une initiative de relancer la constitutionnalisation de l’Europe.

Ce n’est pas par hasard que les propositions les plus intéressantes en la matière profitent des vieilles règles constitutives des États nations pour soutenir le projet de démocratisation de l’U.E. A titre indicatif, la formation d’une représentation parlementaire des populations, dotée de pouvoirs de contrôle, en particulier sur l’assiette et l’utilisation des impôts, selon la demande des insurgés américains « No taxation without representation »32, apparaît comme un pas en avant considérable.

Vraiment, c’est en affrontant la question de la représentation qu’on peut avancer un projet sur la démocratisation de l’Europe : longtemps pris dans les termes du débat fédéralistes / antifédéralistes33, hommes politiques, juristes et philosophes ont quelque peu méconnu la problématique de la représentation, pourtant indépassable dans l’effort de penser un régime européen à vocation démocratique. Le souci de sauvegarder le pluralisme socioculturel et les identités distinctes des États membres a favorisé l’idée que l’Union ne pourrait constituer qu’une entité politique inédite dans l’histoire universelle, s’organisant comme une communauté politique des peuples formés au niveau national, dont les membres allaient forger le Démos européen. Pourtant, ni la marche coordonnée des États membres ni la possession d’une citoyenneté européenne par leurs ressortissants n’ont conduit au resserrement des liens entre les peuples, encore moins à la formation d’une conscience politique commune parmi les populations. L’aporie du Démos européen prédestine le futur des réformes institutionnelles et, à mon avis, retarde la dynamique démocratique de l’Europe.

Car, le Démos européen ne peut pas se forger en dehors des institutions qui encadrent son expression en tant que corps politique, qui sont le lieu où les demandes de groupes sociaux, de régions, de tendances idéologiques ou de communautés culturelles « particulières » sont confrontées, afin de révéler les intérêts généraux capables de légitimer la régulation de la vie sociale et politique en Europe. L’absence de mécanismes aptes à associer les citoyens à la recherche de l’intérêt général prive aussi la citoyenneté européenne de sa substance constitutionnelle et politique34, la confinant au rôle de lien formel, qui n’assure que la bienveillance du pouvoir dans des cas limités. Il est donc temps d’ouvrir le débat au Parlement européen sur les formes d’une nouvelle représentation qui ne se résume pas à la délégation du pouvoir par le vote, mais comporte également diverses formes d’agir politique démocratique – formation de l’opinion dans les mouvements sociaux et dans les medias, accès à des Autorités Administratives Indépendantes, garanties de la protection juridictionnelle des droits etc. – tendant à donner aux gouvernés la possibilité de s’identifier à la communauté politique et à ses institutions sans renoncer à leur propre identité d’individu et de membre d’une entité nationale35.

Étant donné que les circonstances actuelles ne laissent pas augurer que la convocation des « États généraux des peuples de l’Europe » est imminente, la voie ordinaire de révision des Traités offre un débouché : ouvrir au Parlement européen la discussion sur les mécanismes qui vont encadrer cette nouvelle représentation, sa nature et ses limites, c’est créer les conditions d’institution du sujet politique qui sera le protagoniste de son accomplissement. D’autant plus que la procédure relative implique les représentants des parlements nationaux, les chefs d'État ou de gouvernement des États membres, le Parlement européen et la Commission, c'est-à-dire qu’elle s’achemine vers la formation de ce sujet dans les tensions et les contradictions qui traversent actuellement l’U.E.

Le Démos européen va se constituer par un débat entre les peuples humiliés par les politiques sur la dette souveraine et ceux qui sont las de porter le fardeau économique de la crise, entre les citoyens qui optent pour la punition comme méthode principale d’assurer la cohésion de l’Union et ceux qui recherchent la dynamique de l’U.E dans la réalisation de certains objectifs contenus dans sa constitution matérielle, telles la solidarité et l’égalité devant les Traités36.

Entamer ce processus, c’est donner aux citoyens de l’Union la possibilité d’examiner les différents projets relatifs à la structure de l’Europe et de redéfinir ses valeurs : prenant la mesure des graves problèmes qui minent l’édifice européen, les corps qui vont se charger de la refondation de l’U.E. auront l’occasion de la transformer en un atelier énorme où s’expérimentera l’ambition démocratique de ses peuples.

 
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1 Intervention au colloque « 20Jahre nach den Verträgen von Maastricht. Die Europäische Union in der krise ? » organisé par la Fondation Rosa Luxembourg, le jeudi 10 et le vendredi 11 Octobre 2013, à Potsdam. Texte de travail.

2 Ol. Duhamel, « Reconstruire la politique, construire une démocratie européenne », La pensée de midi, 2002/1, p. 64

3 M. Rouyer, « La démocratie n'est plus ce qu'elle n'était pas. Réflexion sur la démocratie à l'aune de l'Europe », Parlement[s], 2004, p. 91 ss.

4 G. Hermet, « Est−il toujours temps de penser à la démocratie ? » Pôle Sud, 2004, p. 81 s.

5 Les Memorandums of Understanding sont des accords conclus entre l’État débiteur, en l’occurrence la Grèce, et ses créanciers, qui fixent les objectifs financiers et structurels à la satisfaction desquels doit oeuvrer le gouvernement emprunteur. Ils contiennent un programme de politique générale bien défini, qui est réalisé au moyen de lois nationales, dites les lois d'application des mémorandums (voir infra). La nature juridique des MoUs reste disputée : Le Conseil d’État grec, saisi sur la constitutionnalité de plusieurs réglementations contenues dans le premier MoU (qui en fait est constitué par 3 MoUs) et les lois de son application a adopté la thèse, que les mémorandums ne sont ni des traités, ni des conventions internationales ni des lois. La Haute Juridiction administrative a constaté que les MoUs sont privés des caractéristiques propres aux formes juridiques qui réglementent les relations relevant du droit international public. En d’autres termes, elle a reconnu que les MoUs sont du droit flexible, du soft law et, conséquemment, elle a légitimé la décision du gouvernement de ne pas soumettre les mémorandums au Parlement suivant les règles constitutionnelles qui conditionnent la ratification des traités. Des opinions dissidentes ont considéré que les mémorandums, contractés par des sujets de droit international, imposent des obligations aux parties, constituant alors des conventions, qui devaient être ratifiées par l’Assemblée, v. Th. Antoniou, « La décision du Conseil d’État sur le mémorandum. Une affaire européenne, dénuée d’approche européenne », La Constitution (revue juridique grecque) 2012/1, p.197 ss (p.202 ss) (en grec), cf. P. Pavlopoulos, « Réflexions sur la nature et les conséquences juridiques du Mémorandum », www.constitutionalism.gr (en grec), A.Bredimas, « L’accord de prêt entre la Grèce et le FMI : Questions institutionnelles et juridiques », www.constitutionalism.gr, (en grec).

6 Par son Arrêt dans l’affaire C-370/2012, Pringle /Gouvernement d’Irlande, la Cour a conclu que le droit européen ne s’oppose pas à la conclusion du Traité instaurant le Mécanisme européen de stabilité (MES). De la sorte, elle a aussi « validé » le mécanisme qui a assuré l’aide à la Grèce, dans des conditions similaires.

7 La loi 4055/2012, dénommée « Procès équitable » et longue de 112 articles, a apporté de sérieuses réformes à tous les Codes de procédure, dont certaines, comme celles concernant les timbres judiciaires, ont un caractère purement financier. Après 7 mois, la loi 4093/2012, dit le 3e MoU, a encore modifié le Code de Procédure Administrative, pour raccourcir le délai dans lequel les recours fiscaux sont ouverts et elle a réformé le Code Fiscal et le Code des Avocats afin de satisfaire des motifs principalement économiques, cf. K. Chryssogonos, La fraude à la Constitution en temps des Mémorandums, Athènes, éd. Livani, 2013 (en grec), p. 174 ss.

8 Selon cette clause, chaque État membre de l’U.E négocie avec ses créanciers les conditions de son emprunt, ni l’Union ni les autres États ne se portant garants de sa dette souveraine.

9 Règlement du Conseil n° 407/2010 qui a été adopté sur la base de l’art. 122, par. 2 TFUE

10 Les plans de sauvetage de l’Irlande (2010), du Portugal (2011) et de l’Espagne (2012) ont été décidés et mis en oeuvre suivant les procédures et les règles de ce mécanisme.

11 V. Y. Drossos, « Questions d’organisation constitutionnelle, de protection judiciaire et de démocratie en temps de crise », www.constitutionalism.gr (en grec), L. Papadopoulou, « Le déficit (budgétaire) et le déficit (politique) de l’Europe », www.constitutionalism.gr (en grec)  

12 L’exemple le plus caractéristique de l’impuissance parlementaire est celui du vote de la loi 4093/2012 dénommée le « 3e MoU », qui a été adoptée en Novembre 2012 par la procédure d’urgence (art. 76 Const.). Présentée aux députés la veille de sa discussion dans l’hémicycle, cette loi contient un article long de plusieurs dizaines de pages, afin que les députés – surtout ceux de la majorité – ne puissent proposer aucun amendement, pour que le gouvernement engage pratiquement sa responsabilité sur un texte qui transforme la réglementation de plusieurs domaines de la vie sociale et publique. L’Assemblée a été mise dans l'incapacité de discuter ces mesures et d’influencer leur contenu. La déclaration publique du ministre de la Justice, qui a tardé à signer le projet de loi, en suscitant l’espoir que son intervention conduirait à une amélioration du projet est significative : « je ne pouvais pas refuser de signer le projet de loi, puisque cela aurait provoqué la chute du gouvernement et que la Troïka n'aurait accepté aucun amendement. »

13 Cf A. Kaidatzis, « ‘Haute politique’ et faible contrôle juridictionnel. Questions constitutionnelles et questions de constitutionnalité a propos du ‘Mémorandum’ », www.constitutionalism.gr (en grec).

14 La législation des trois dernières années ne touche pas uniquement les droits sociaux, mais aussi les libertés publiques classiques ou des droits dont la jouissance n’influence pas directement les finances publiques, tel le procès équitable ou l’environnement, v. supra, note 7 et I. Kamtsidou, « L’intérêt public en temps de crise », Recherches Internationales, no 96, 2013, K. Yannakopoulos, Un Etat devant la faillite : entre droit et non-droit, www.constitutionalism.gr (en français).

15 Ils hésitent encore à adresser des questions préjudicielles à la Cour de Justice pour vérifier la compatibilité de la législation contestée avec le droit européen. D’ailleurs, la Cour de justice de l’Union, comme la CEDH, font preuve d’une auto-limitation remarquable, laissant peu d’espoir à l’idée qu’elles sauront protéger les droits et les principes généraux reconnus de longue date par leur jurisprudence.

16 V. A. Manitakis, « Fondement et légalité du contrôle juridictionnel des lois en Grèce », R.I.D.C.,1988/1, p. 39 ss.  

17 Cf. C. Yannakopoulos, art. cit .

18 Jürgen Habermas, La Constitution de l’Europe, Paris, Gallimard, 2012, E. Balibar, Europe crise et fin ? Paris, Le Bord de l’eau eds, 2013.

19 O. Jouanjan, « Ce que ‘donner une constitution à l'Europe’ veut dire », Cités, 2003/1, p. 21 ss, E. Balibar, « Sur la ‘ Constitution’ de l’Europe. Crise et virtualités », Passant Ordinaire, no 49.  

20À titre indicatif, J.H.H.Weiler, The Constitution of Europe “Do the New Clothes Have an Emperor?”, Cambridge U.P., 1999, passim, G. Papadimitriou, La constitutionnalisation de l’Union Européenne, Athènes, éd. Papazissi, 2002 (en grec), p. 31 ss, A. Manitakis, La « Constitution » de l’Europe face à la souveraineté nationale et populaire, Athènes, éd. Papazissi, 2004, p. 86 ss (en grec). D’ailleurs, ce n’est pas par hasard que la CJCE (249/83 Parti Ecologiste ‘Les Verts’ c. Parlement Européen) avait reconnu la valeur constitutionnelle des Traités bien avant que la discussion sur la constitutionnalisation et la Constitution de l’Europe commence.

21 L.Papadopoulou, Constitution Nationale et Droit européen. La question de la primauté, Athènes, Ed. Sakkoulas, 2009 (en grec).  

22 V. P. Magnette, Le régime politique de l’Union Européenne, Paris, Presses de Science Po, 2003, p. 26 ss. J. Le Cacheux, « Les logiques économiques de l’intégration européenne », in Ch. Lesquesne- Yv. Surel, L’ l’intégration européenne. Entre émergence institutionnelle et recomposistion de l’État, Paris, Presses Sciences Po, 2004 p. 23 ss (41 ss), cf. J.L. Quermonne, « La « Fédération d'États Nations » : concept ou contradiction ? », Revue française de droit constitutionnel, 2010/4, p. 677 ss.

23 V. art. 11 al. 4 du Traité disposant que « Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres, peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application des traités. ».  

24 Ainsi l’art. 2 du Traité disposant que « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités », l’ art. 9 qui sert de fondement à la citoyenneté européenne et garantit l’égalité des citoyens, l’art. 10 qui prévoit que le fonctionnement de l'Union est fondé sur la démocratie représentative, etc.

25 v. N. Kanellopoulou-Malouhou, Le Traité de Lisbonne. L’approfondissement d’un lien constitutionnel (en grec) www.constitutionalism.gr.

26 J. Habermas, « L’Europe paralysée d’effroi – La crise de l’Union européenne à la lumière d’une constitutionnalisation du droit international public », Cités, 2012/1, p. 131 ss.

27 Étant donné que les traditions constitutionnelles communes ont la même valeur juridique que les Traités et qu’elles protègent l’autonomie politique et personnelle des citoyens européens, la Constitution matérielle de l’Europe doit être envisagée à travers les tensions qui la traversent : d’une part la démocratie et l’État de droit sont reconnus comme seules formes légitimes de pouvoir ne serait−ce qu’au niveau national, d’autre part les objectifs de la libre concurrence et de la réalisation du marché unique déterminent l’organisation des institutions européennes. Le droit constitutionnel de l’UE est donc construit autour de cette contradiction profonde, qui explique que la majorité des citoyens européens aspirant à la démocratisation de la structure européenne n’expriment pas de voeux pieux et qu’il y a toujours des chances d’entamer le processus de la démocratisation de l’Europe, p.ex. J. M. Ferry, « Du politique au-delà des nations », Politique européenne, 2006/2, p. 5 ss.  

28 Art. 3al.3

29 Art. 4 par. 3b et c

30 Pour rester au champ de l’exercice du pouvoir législatif, le fait que, conformément aux Traités, les règles européennes sont produites par un système bureaucratique, privé de toute référence démocratique, conduit à l’implication de divers facteurs socioéconomiques dans le processus législative. J.M Ferry, La Question de l’État européen, Paris, Gallimard, 2000, p. 60ss., a clairement montré, que pour faire intégrer le droit européen dans les sociétés des États membres, pour faire valoir ex ante les règles du jeu communautaire, les organes européens (essentiellement la Commission) ont associé à leur tache législative « les forces vives » des pays et du Continent. Il s’agit des représentations de différentes activités (professionnelles, syndicales, entrepreneuriales, associatives etc), dont la proximité aux décisions s’est transformée en condition de légitimité et d’effectivité des actes normatives européennes : reconnues par ces acteurs dans l’espace semi-privé de la phase préparatoire, les règles européennes peuvent être suivies après leur adoption. C’est la même logique qui soutient la production normative pendant la crise, les agences financières ayant supplanté dans une large mesure les lobbies qui s’affairent d’habitude à Bruxelles.  

31 V. N. Urbinati, « Démocratie dépolitisée », Critique, 2008/4, p. 275 s.

32 J. Habermas, art .cit  

33 V. D. Tsatsos, La Sympolitie européenne des États-Nations, Athènes, Livani, 2007 a mis en avant le besoin de dépasser cette dichotomie, en proposant des réaménagements politicoinstitutionnels bien intéressants, tels l’instauration des partis européens (p 401 ss) et la consécration juridique des valeurs communes (p.488). Pour une approche générale du fédéralisme et du débat relatif en Europe v. M. Croisat, Le fédéralisme en Europe, Paris, Montchrestien, 2010.

34 V. A. Le Pors, La citoyenneté, Paris PuF (Que sais-je), 2011, p. 11 ss.  

35 Cf. Ch. Mouffe, « Penser la démocratie moderne avec, et contre, Carl Schmitt. » Revue française de science politique, 1992/1 p. 83

36 L’ampleur de l’entreprise révisionnelle au niveau européen et l’importance des reformes à pourvoir permettent d’assimiler la délibération relative à une délibération constituante (v. D. Rousseau, « La construction constitutionnelle de l'identité des sociétés plurielles », Confluences Méditerranée, 2010/2, p. 31 ss.) et d’en escompter une fonction analogue.  

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